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Blog des amis du 4RH

Blog d'un ancien sous officier d'active du 4e RH de 1956 à fin 1959. ce blog est un blog qui cherche à regrouper les anciens de ce régiment de la guerre d'Algérie à ceux à nos jours jusqu'en 2011. bienvenue à tous!

Lutte pour la vie ! et les BMC.

Lutte pour la vie.

Témoignage d’une convoyeuse de l’air à Dien  Bien Phu, (Les filles des BMC avaient été évacuées dès le début de la bataille, en tant qu’auxiliaires civiles de l’armée) devenue une opposante aux BMC.

 

Nous étions à Compiègne ("le camp de la mort lente"), dans une prison de femmes, uniquement juives, sauf moi.

J'ai compris plus tard qu'on avait été considérées par les Allemands comme les B.M.C. des troupes allemandes.

Nous étions nombreuses, complètement à part, la baraque était toute propre, toute blanche, et il y avait des infirmières qui s'occupaient de nous. C'était clair et net. Ils ont pris les plus jeunes et les plus avenantes. Toutes les filles mariées, le plus souvent, se laissaient faire et me reprochaient de ne pas en faire autant : "Au moins quand ils font cela, ils ne font pas autre chose" disaient-elles. Moi je rouspétais, je me défendais contre les assauts des Allemands : j'étais punie tout le temps, dès que j'avais refusé un gars. Aussi ai-je été mise assez rapidement en cellule, enfermée à part.

C'est ainsi que j'ai découvert "l'amour" d'une façon un peu curieuse.

J'ai eu beaucoup de mal par la suite à me réinsérer dans une vie normale sur ce plan-là... Il faut croire que je devais être très équilibrée psychologiquement. C'est assez bouleversant. Je ne pouvais plus danser, embrasser un gars, c'était impossible. Quand un type qui était gentil, me prenait par la taille, je sursautais et je m'éloignais. Il a fallu beaucoup d'amour pour qu'un homme arrive à me faire perdre toutes ces inhibitions.

Et je me suis trouvée au Vietnam devant une armée en guerre, en campagne, victorieuse d'une certaine façon qui faisait de même. Je ne crois pas y avoir pensé sur le coup, mais cela a dû certainement agir.

4. Avez-vous posé le problème des B.M.C. dans l'armée ?

T.d.L. : Ensuite j'en ai parlé avec des officiers et je leur ai dit qu'il n'était pas possible que cela se pratique. On me répondait : « Il faut comprendre, c'est presque impossible de s'en passer, les hommes ont besoin de ça quand ils côtoient la mort tous les jours, c'est très difficile ». Ce n'était pas mon point de vue, mais j'ai entendu beaucoup cette défense.

En fait, personnellement, j'ai éprouvé par moi-même ce sentiment, au moment de Dien Bien Phu. J'ai été prise dans un véritable tourbillon quand on a commencé à sortir les blessés de là. Nous volions entre 14 et 15 heures par jour ; on dormait quand on pouvait ou on ne dormait pas... d'ailleurs on ne dormait pas. L'un des dispacheurs para qui était toujours à côté de nous pour nous aider à monter non pas les brancards, car on aurait perdu trop de temps, mais les hommes, à la main, est mort d'une balle en pleine tête à côté de moi, tué net. Mais c'était tout le temps.... On n’arrêtait même pas les moteurs. On était canardés sans arrêt, sous les projecteurs. Tout le temps où l'avion était au sol, ils nous tiraient dessus de partout, les avions arrivaient criblés de balles, c'était assez impressionnant, tout de même !

Pendant les trois semaines qu'ont duré l'évacuation, du 15 mai au début juin, je n'ai pas couché une seule fois dans mon lit. C'était pareil pour mes camarades. Nous étions dix convoyeuses, ce n'était pas beaucoup pour plusieurs centaines de mille hommes. Mais nous, nous pouvions choisir.

J'ai eu la même réaction tout au cours de cette période, quasi automatique, et je n'étais pas seule à l'avoir : je descendais de l'avion après m'être occupée des blessés, je regardais à droite et à gauche, je faisais un signe et je partais avec un gars. J'aime mieux vous dire qu'ils ne disaient jamais non. Je me souviens, c'était moi qui le déshabillais pour trouver... enfin... un homme entier, sain, propre, pas blessé, avec tout ce qui lui fallait, bien portant...

On avait frôlé la mort, la maladie, les blessures, il y avait des gangrènes, des choses horribles. Vous ne pouvez pas imaginer. On avait un besoin, un besoin absolu de quelque chose qui était entier, bien portant.

Quand j'y pense avec du recul, c'est horrible..., moi, élevée aux Oiseaux... le couvent, les bonnes sœurs, enfin, tout ce qui faut... que je me sois conduite comme cela...

Eh bien, dites-vous bien que les garçons ne me l'ont jamais reproché. Tous l'ont compris ; c'est une chose qui n'a jamais été répétée, jamais été dite. Ils étaient très fiers de nous, ils trouvaient cela extraordinaire, ces filles qui étaient là avec les risques qu'elles prenaient. Ils comprenaient parce qu'ils devaient avoir eux aussi la même réaction. C'était pareil pour les hommes, certainement. Souvent j'en ai parlé avec eux ; ils m'ont dit : "C'est une réaction, Thérèse, c'est la réaction de la vie contre la mort. On a besoin de donner vie parce que l'on a frôlé la mort ». Il faut absolument remplacer cela. Il faut faire un enfant. C'est presque instinctif. C'est le problème qui arrive avec les troupes en campagne. Quand autrefois les hommes qui arrivaient dans une ville qu'ils avaient prise, les sacs, les pillages, les viols, c'était incroyable et bien, c'était pour ça. La mort de tous les côtés, ça oblige à donner vie.

Pour un homme comme pour une femme, donner la vie c'est d'abord faire l'amour. C'est peut-être quelque chose qui explique cela, je ne dis pas qui excuse.

5. Comment arrivez-vous à concilier ce constat avec votre position sur la prostitution. N'y a-t-il pas une contradiction?

T.d.L. : Non, parce que j'ai été amenée à comprendre qu'il y avait des raisons très valables pour lesquelles le commandement avait prévu cela de manière régulière et officielle, tout en faisant son possible pour que les filles soient dans les meilleures conditions. 
Mais tout de même... ce n'est pas normal, de toute façon. Moi, je me disais, il faudra un jour que je me batte contre ça. Et je l'ai fait et d'autant plus facilement qu'il n'y avait plus de guerre...
  (de notre ami Victor Suszwalak)

 

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