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Blog des amis du 4RH

Blog d'un ancien sous officier d'active du 4e RH de 1956 à fin 1959. ce blog est un blog qui cherche à regrouper les anciens de ce régiment de la guerre d'Algérie à ceux à nos jours jusqu'en 2011. bienvenue à tous!

Toujours bon à savoir.

Témoignage de Jacques Macé   dans Guerre d’Algérie Magazine  N°6

Historien et ex-sergent au 3ème bataillon de Zouaves

 Novembre-décembre 2002  - Editions  Gandini

Publication  interrompue fin 2002 après ce n° 6

Relevé sur  Internet - Guerre d'Algérie-Magazine,

Publication reprise avec le N°8 en  juillet 2007

(Copie)

Mes cent jours dans la Force locale

21  mars – 30 juin 1962

Par leur titre « De l’organisation des pouvoirs publics pendant la période transitoire »  (C’est à dire du cessez le feu au scrutin d’autodétermination), les accords d’Evian instituaient un Exécutif provisoire chargé « d’assurer la gestion des affaires publiques propres à l’Algérie……de maintenir l’ordre public. Il disposera, à cet effet, de services de police et d’une force de l’ordre placée sous son autorité »

L’Exécutif provisoire fut présidé par Abderrahmane Farés.

La force de l’ordre, dite locale et forte d’environ 50000 hommes, fut essentiellement constitué par le regroupement des militaires réguliers d’origine algérienne : appelés du contingent et engagés volontaires.

Des forces supplétives (8500GMS, 4500 auxiliaires  de gendarmerie) furent également versées dans la force de l’ordre*1

Jacques Macé    Historien et ex-sergent au 3ème bataillon de Zouaves

LES ZOUAVES

On me dit souvent, avec amusement: «Ah.' Vous avez été Zouave?», ou pire: «Vous avez fait le Zouave en Algérie ?» et on me demande si j'ai porté le célèbre uniforme de pion confrère du Pont de l'Aima, avec sa chéchia, son spencer brodé et sa culotte bouffante de laine rouge (dans laquelle une certaine main se serait égarée). En fait, le bataillon ne possédait plus que quelques dizaines de tenues de tradition, arborées lors de solennelles prises d'armes. Nous portions l'uniforme habituel de (infanterie, à l'exception du béret, remplacé par un calot rouge à croissant or.

 Au tout début de la conquête de l'Algérie, furent recrutés localement des bataillons de Zouaves, du nom de la tribu berbère des Zouaoua, tôt ralliée à l'armée française. Ils furent mis à rude épreuve durant la conquête du territoire algérien - la prise de Constantine en 1837 sous le commandement de Lamoricière. Par exemple*.

 Par la suite, leurs régiments ne furent plus constitués que de soldats d’origine européenne (français, mais aussi espagnols, italiens, maltais), leurs méthodes de combat leur valurent le surnom de «chacals».

 Les Zouaves s'illustrèrent particulièrement durant la guerre de Crimée, sous le commandement du général de Mac Manon. Le 3ème Zouaves adopta pour devise la célèbre formule de Mac Mahon à Malakoff: « J'y suis, j'y reste »**.

En Algérie, des appelés irrévérencieux l'avaient transformée en: «J'y suis... par erreur, j'y reste... par force».

 On retrouve pendant un siècle les Zouaves sur tous les champs de bataille: Italie. Mexique, guerres de 1870-71. 1914-1918 et 1939-1945. Leurs exploits ont fait l'objet de récits épiques et de pittoresques gravures. Ils ont donné leur nom aux Zouaves pontificaux et même à des régiments de l’armée américaine, notamment lors de la guerre de Sécession.

Durant la guerre d'Algérie, les bataillons de Zouaves retrouvèrent leur champ de bataille d'origine et présents dans les trois corps d'Armée, ils se signalèrent brillamment tout ou long du conflit La fin de la colonisation mit fin à (existence des Zouaves. Il n'existe plus d'unité de Zouaves dons l'armée française. J'ai été l'un des derniers, tel un Mohican.

    * Tous ceux qui aiment la ville de Constantine connaissent la place de la Brèche, brèche par laquelle les Zouaves s'engouffrèrent dans la citadelle 

       ** Phrase qui ne fut sans doute pas prononcée sous cette forme, comme la plupart des formules « historiques »

Témoignage                                 La force locale

La création de la Force locale s’effectua par la conversion d’unités de l’armée française, sous le commandement d’officiers français.

Le 26 mars, un détachement  du 4ème régiment de tirailleurs algériens – déployés à Alger au titre de la force locale, a-t-on   un temps prétendu*²- se trouva en première ligne face aune manifestation des Européens de Bab-el-Oued : ce fut le massacre de la rue d’Isly, qui fit quarante - six morts et deux cents blessés

                Le non de Force locale  fut dé lors honni par la population pied noir, à Alger et à Oran notamment. Dans le bled la Force locale prit la relève des unités de secteur chargées du maintien de l’ordre

Cent trente- deux ans, après la conquête de l’algérien, l’armée française comprenait dans ses rangs de nombreux sous-officiers musulmans (sergents, sergents-chefs, quelques adjudants) combattants de valeur, mais les sous-officiers ou caporaux algériens susceptibles d'assurer la logistique d'unités en campagne faisaient cruellement défaut.

 Des militaires métropolitains, engagés et appelés du contingent, furent donc maintenus dans les unités de la Force locale pour y assurer les f o n c t i o n s indispensables à la vie sur le terrain. Ce fut mon cas, dans les monts du Constantinois.

En fait, l'Exécutif provisoire restait soumis au contrôle du haut-commissaire de la République, responsable de « la sécurité et du maintien de f ordre en dernier ressort »

                 Les unités de la Force locale ne coupèrent donc pas le cordon ombilical avec les régiments français dont elles étaient issues et leur rôle ne fut jamais bien défini ni bien compris, en pleine période d'exactions de l'OAS. Les ouvrages sur la Guerre d'Algérie n'y consacrent généralement que quelques lignes. Pourtant, ces cent jours dans la Force locale *3 constituent une phase importante de mon existence, dont je conserve le vif souvenir. Je remercie Guerre d'Algérie magazine de m'offrir la possibilité de faire partager cette expérience, en simple témoignage d'une aventure vécue

Mes débuts d'appelé

Titulaire de deux diplômes d'ingénieur, incorporé en septembre 1961, je ne fus pas admis aux EOR*4 car jugé de constitution trop fragile et fus classé "asthmatique". Après des classes au centre d'instruction du 60ème régiment d'Infanterie a Lons- le Saunier, je fus affecté début janvier 1962 tu .V bataillon de Zouaves dans le Constantinois où, rapidement, je fus nommé caporal, puis sergent afin que l'Armée puisse utiliser mes capacités supposées. En effet, si le commandement du 3ème Zouaves se trouvait à Constantine, ses compagnies étaient dispersées de Bône à Souk-Ahras et Tébessa, chargées en particulier de l'ouverture matinale des voies ferrées et de l'escorte des trains. Les compagnies étaient autonomes et devaient gérer elles-mêmes leur logistique, leur effectif, leur solde, etc. Elles avaient donc besoin de gestionnaires compétents ou débrouillards. Je fus affecté dans ce but à la 3ème  compagnie du 3ème Zouaves.

Cette compagnie, précédemment en charge de la protection des voies ferrées du secteur de Souk-Ahras, venait d'être envoyée à Constantine pour assurer le maintien de l’ordre dans les rues de la ville, à l'approche de décisions politiques importantes. Je m'initiai aux méthodes administratives de l'Armée prés de l'adjudant comptable dont je dépendais et je fus chargé de la tenue des effectifs, de l'établissement de la solde, du paiement des indemnités de maintien de l'ordre, etc. L'effectif de la compagnie incluait une demi-douzaine d’ex-chasseurs parachutistes, qui contaient leur aventure. Leurs régiments avaient été envoyés de Bône et Philippeville en direction d'Alger pour soutenir le putsch d'avril 1961. Mais, en route, des appelés - instituteurs, étudiants, syndicalistes ouvriers et paysans- avaient entendu sur leurs transistors l'appel du général de Gaulle à s'opposer au quarteron de généraux factieux. Tenant des forums de discussion, désorganisant les convois et les transmissions, ils avaient obligé leurs officiers à faire demi-tour. Les plus actifs de ces acteurs de la "révolution des transistors" avaient été mutés dans diverses unités pour y terminer leur temps de service. Idéalisant leur action et faisant d'eux des victimes, la mesure avait eu l'effet inverse de celui attendu.

 Le capitaine E... . commandant la compagnie, était un fervent amateur de bridge. Il avait sous ordres un lieutenant et deux aspirants dont l'un ne bridgeait pas. Interrogé dés mon arrivée, j'avouai que je bridgeais et je fus appelé a faire "le quatrième", bénéficiant ainsi d'une position privilégiée pour suivre les événements. Car nous allions bientôt avoir d'autres cartes à jouer.

Création de la Force locale

                Le 19 mars 1962 arriva. Toute la journée du 18, l'atmosphère fut tendue dans les rues de Constantine. Le soir, nous avons distribué aux patrouilles nocturnes des paquets d'une affiche à coller sur les murs de la ville: elle représentait deux enfants, l'un au teint clair, l'autre de type maghrébin, se tenant par le cou avec la légende « 19 mars 1962 - Pour nos enfants,  la faix en Algérie». Des centaines d'exemplaires sont passés entre mes mains et je n'ai pas pensé a en conserver un seul; je m'en veux encore. Le 21 mars, nous apprenions que la 3ème compagnie du 3ème Zouaves avait été choisie pour constituer le support administratif et logistique d'une unité de Force locale et prenait le nom de 403 UFL*5 Le capitaine E.. en charge de l'opération, conserva les officiers et sous-officiers chefs de section. ainsi, que la vingtaine d'appelés FSE *6 constituant la section de commandement et de services: administration, radio, fourriers, infirmier, cuisiniers, chauffeurs, etc., tandis que les autres appelés FSE étaient mutés dans différentes compagnies. Tous les Algériens servant dans les différentes compagnies du 3ème Zouaves, soit comme engagés soit comme appelés FSNA *7 furent affectés à notre unité. Ils furent bientôt rejoints par des Algériens en provenance d'autres régiments du Constantinois, lesquels avaient reçu l'ordre de transférer leurs effectifs FSNA à la 403 UFL. Chargé de tenir les tableaux d'effectif (sans ordinateur!), je ne manquais pas de travail: en trois semaines, plus de quatre cents Algériens furent affectés à la 403 UFL et, du fait des libérations d'appelés et des désertions, près de trois cents y demeurèrent jusqu'au bout. Début avril, la 403 UFL, rassemblée à Ouled Rahmoun  - important nœud ferroviaire au sud de Constantine - était transféré en plein bled, à la Cheffia à une quarantaine de kilomètres au sud de Bône. Sa mission - nous allions l'apprendre progressivement -était triple:

- protéger le chantier d'un important barrage hydraulique, en construction dans le cadre du Plan de Constantine;

- assurer la sécurité d'un regroupement de population situé près de notre camp;

- ouvrir le barrage de la frontière tunisienne (la Ligne Morice) pour permettre l'entrée en Algérie des unités de l'ALN stationnées de l'autre coté de la frontière.

Dans la situation délicate où nous nous trouvions, engagés sous contrat et appelés FSE associés en cette aventure, nous allions rapidement constituer un petit groupe très soudé et vivre une expérience extrêmement enrichissante. Quarante ans plus tard, il m'arrive encore d'y penser avec émotion. L'histoire s'intéresse surtout aux drames et Dieu sait s'il y en eut à Alger et à Oran en ce printemps 1962! Au fond de notre Constantinois, la situation, bien que tendue, fut moins tragique et une succession de scènes remonte à ma mémoire.

 

Mon quotidien à La Cheffia

La mission

Dans cette nouvelle implantation, je devins un peu l’homme a tout faire du capitaine (enregistrement et diffusion du courrier, des notes de service, tenue des effectifs, solde, etc.) car l'adjudant dont je dépendais, peu satisfait d'être entraîné dans cette affaire, avait utilisé son droit à une longue permission. Les Européens reçurent instruction de sélectionner parmi les Algériens, des hommes capables d'être formés aux fonctions qu'ils assumaient et de prendre leur relève. Pour montrer que nous n’ étions là  qu'en transition, nous ne portions pas d'arme ni ne prenions de garde. Je considère aujourd'hui avoir été ainsi l'un des premiers à faire de la coopération militaire en Algérie. Je me retrouvai donc avec deux assistants kabyles, pleins de bonne volonté, mais avant à peine le niveau du certificat d'études et auxquels je dus apprendre à présenter et classer le courrier, à tenir les effectifs à faire la solde, etc..  Avec toute la rigueur de la réglementation militaire*8

. Je désespérais un peu de parvenir au but avant l'échéance fatidique du 1er juillet*9.

Pour éviter un drame toujours possible, le Corps d'Armée de Constantine mit en place près de nous, en protection, une demi- section (15 hommes) de la célèbre 13ème demi-brigade de La Légion Étrangère (13ème DBLE). Nous avons familiarisé avec eux et nous admirions leur professionnalisme. Si je dus devenir écrivain public - mettant en forme les lettres des légionnaires à leurs petites amies pieds-noirs ou leur expliquant les courriers de leur avocat concernant leur divorce-, je ne pouvais ensuite tenir leur cadence au bar !

L'ordinaire

Pour la nourriture, nous n'avions pas à nous plaindre. Dans le no man's land de La Ligne Morice le gibier (cerfs, sangliers et lièvres) avait pullulé. Les officiers prirent l'habitude d'aller le dimanche a la chasse en hélicoptère. Je me souviens encore du regard de jouissance de l'un de nos cuisiniers, boucher de profession, lorsqu'on lui apportait un cerf de quelques centaines de kilos à dépouiller ! Jamais je n'ai mangé autant de gibier et, aujourd'hui lorsque cela m'arrive, je repense à La Cheffia. Après un premier incident, nous avons cependant refusé les sangliers par respect pour nos amis musulmans. Pour les autres produits, nous devions nous approvisionner auprès de l'intendance militaire de Bône ou des commerçants de la ville. Le nom de la Force locale n'y était pas en odeur de sainteté et mes camarades de la cuisine constataient que, lorsque le camion de la 403 UFL se présentait, les stocks étaient généralement épuisés. Heureusement, nous avions conservé les tampons au nom de la 3ème compagnie du 3ème Zouaves et nous les avons réutilisés astucieusement sur les bons de commandes, surcharges UFL ensuite. Les livraisons reprirent comme par enchantement.

La population   

                Le lotissement situe à   côté de notre camp regroupait des populations qui avaient été déplacées lors de la mise en place de la Ligne Morice. Le moins que l'on puisse dire est qu'une grande misère y régnait.    Notre infirmier appelé qui n'avait subi que quelques semaines de formation - fût autorisé à y donner des soins et, d'ailleurs, se débrouillait plutôt mieux que les infirmiers de l'ambulance du Croissant Rouge qui passait dans le village. En revanche, ces "infirmiers" semblaient particulièrement formés à tenir des discours à la population. Il est vrai que le scrutin d'autodétermination, même si on évitait de l'évoquer directement, occupait tous les esprits. Vite, nous avons observé des prises de contact entre nos sous-officiers musulmans engages, certains appelés algériens - en particulier nos assistants!-, les responsables du village et les gens du Croissant Rouge...

 Un drôle d'air

                En dehors des missions de protection qui leur étaient confiées, les chefs de section occupaient leurs hommes par des exercices et des marches. Pour maintenir La cadence, ils tentaient de leur apprendre, sans grand succès, des chants militaires. Un jour, une section rentra au camp en chantant avec ardeur en arabe. L'aspirant qui la commandait en était tout  fier. Nous étions cependant quelques-uns à écouter la radio et à nous tenir informés des événements. Le dialogue suivant s'engagea:

- Vous avez entendu comme ils chantent bien mes gars quand ils veulent ?

- Ce sont eux qui vous ont proposé  cet air, mon lieutenant ?

- Affirmatif.

- Vous savez ce que c’est ?

- Non. Mais ils mont  dit que c'était un chant très connu.

- C'est l’hymne du FLN futur hymne national de la République algérienne:

 Chaque fois que, lors d'une visite de chef d'Etat,  j entends l'hymne algérien, je repense à Ia Cheffia.

Un dilemme difficile

Pour certains, l'avenir était plein de ténèbres. Un lieutenant   d'origine algérienne, formé   a  l'École militaire inter Armes de Coêtquidan, avait été nommé adjoint du capitaine. Quelques échanges avec lui m'avaient montré sa grande culture et sa parfaite intégration. Il avait la possibilité de demander sa mutation en France avant   fin juin mais cette décision signifiait sa rupture définitive avec son pays natal. Il était partagé entre cette solution et celle de parier sur l'application honnête des accords d'Évian qui lui garantissaient son intégration dans la future armée algérienne. Il hésitait et, à travers la mince cloison qui séparait mon bureau de celui du capitaine, j'entendais leurs longues discussions...

                Pour ma part, j'avais tous les 15 jours la possibilité de replonger dans l'atmosphère de Constantine. je devais en effet verser, en argent liquide, la maigre solde des soldats mais aussi les indemnités plus conséquentes de maintien de l'ordre et de séparation familiale des engagés.   En  raison de notre effectif,  ces indemnités représentaient plusieurs milliers de francs (nouveaux) à retirer à la Banque d'Algérie. Pour cette opération, je me faisais accompagner d'une escorte armée, car je devais également retirer à l'intendance une marchandise précieuse et convoitée, les fameux cartons des cigarettes attribuées à tous les militaires. Je profitais aussi de ces sorties pour acheter, discrètement. L'Express de Jean-Jacques Servan-Schreiber, Françoise Giroud et François Mauriac ou, sacrilège. Le Canard enchaîné.

Le faux départ 

Nous manquâmes certainement de peu d'être mêlés aux tragiques événements d'Alger. Un après-midi - dont je n'ai pas noté la date-, nous reçûmes l'ordre de démonter notre camp, de mettre nos équipements en caisse et de partir en camions à Constantine pour embarquer en train a destination d'Alger. C'était au moment de l'une des plus fortes offensives de l'OAS et l'État Major avait décidé de nous jeter dans le chaudron algérois. Le contre-ordre arriva au petit matin, quelques minutes avant les premiers départs. Jusqu'à la fin, nous allions rester à La Cheffia.

Les désertions

                Des décisions politiques eurent pour effet de diminuer nos effectifs. Alors que le service militaire était alors de 27 mois, nous reçûmes en mai l’instruction de libérer les appelés FSNA ayant effectué 24 mois de service. Il fut également décidé d'accorder des permissions a tous les engagés FSNA qui le souhaitaient. Certains, ne sachant comment   ils seraient accueillis dans leur village, refusèrent,  mais beaucoup profitèrent de cette possibilité. La plupart d'entre eux ne rejoignirent pas à  l'issue de leur permission - préférant sans doute attendre chez eux la suite des événements -et furent considérés comme déserteurs.  Il y eut aussi quelques désertions directes. L'établissement des dossiers de désertion, tache complexe et fastidieuse, m'occupa de longues heures. Le délai légal écoulé, il  convenait d'inventorier le paquetage du déserteur pour déterminer les uniformes et équipements manquants et calculer le montant du « préjudice causé à l’Etat ».

                 Magnifique occasion pour le fourrier qui effectuait cet inventaire avec moi de remettre a jour ses stocks. Bien qu'il y ait prescription, je ne m'étendrai pas davantage sur le sujet!

La fin de la Force locale

La dernière opération effectuée par la 403 UFL eut lieu dans la seconde quinzaine de juin 1962. Des coupures de la Ligne Morice avaient été effectuées, des routes remises en service entre l'Algérie et la Tunisie. Nos sections assurèrent le dégagement et la protection des voies tandis que défilaient sur des camions neufs et dan» des tenues de combat rutilantes les unités de l’ALN stationnées en Tunisie et qui se précipitaient vers Alger. La fin n'était plus loin. Apres avoir préparé les listes électorales pour le référendum d'autodétermination du 1er juillet, les Européens, a l'exception des officiers et de quelques sous-officiers de carrière, reçurent l'ordre de se replier à Bône jusqu'au résultat du vote. Nous passâmes précipitamment les consignes à nos assistants, leur souhaitâmes bonne chance, et le samedi 30 juin quittâmes La Cheffia.

                 Hébergés à la compagnie de Zouaves de Bône, nous sommes restés cloîtrés les jours suivants pendant que la foule célébrait bruyamment le résultat du vote. Nous n'apprîmes qu'indirectement ce qui s'était passé à La Cheffia.

                 Le 5 juillet, au lendemain  de l'Indépendance, une unité de l'ALN avait encerclé le camp. Les contacts turent froids mais corrects. Les officiers français se retirèrent sous la protection de la Légion.

 Les appelés algériens furent libérés et renvoyés dans leurs foyers. En ce qui concerne les engagés, sans doute y eut-il quelques règlements de compte... Une partie d'entre eux fut affectée aux travaux de déminage de la Ligne Morice et je doute que beaucoup en soient revenus. Mais certains, qui avaient sans doute préparé leur conversion de longue date, furent incorporés dans l'armée nationale ou l'administration algérienne. J'appris quelques mois plus tard que l'un de nos anciens sergents-chefs était commissaire de police à Bône.....Ainsi va le monde

Je n’en avais pas fini avec la Force locale. En effet la plupart des appelés FSNA étaient soutiens de famille et leurs proches bénéficiaient d’allocations accordées par les municipalités -ce qui incitait les jeunes gens à faire leur service militaire plutôt qu’à prendre le maquis. Les dossiers du personnel avaient été laissés à La Cheffia. Je fus chargé de les reconstituer à partir des archives disponibles a Constantine et d'écrire aux maire» concernés que les attributaires avaient été libérés plus tôt que prévu.

Ce travail, dans lequel je ne fis pas preuve d'une énergie débordante, m'occupa l'été 1962, me laissant le temps de suivre le» événements (d'Oran au Petit-Clamart). En octobre, dans le cadre des réductions d'effectifs de l'armée française, les bataillons de Zouaves furent dissous. Je participai aux opérations de liquidation du 3ème  Zouaves (mutation des effectifs, destruction ou reversement des matériels et équipements), jusqu'à l'embarquement pour Mourmelon de l'échelon liquidateur, mettant fin à cent trente-deux ans d'histoire.

Versé dans une autre unité pour une fin de service beaucoup plus banale, je fus libéré en février 1963, avec le contingent 61-2B, le premier à n'effectuer que dix-huit mois de service.

 Dans les années 1970. Je formulai le projet de partir en vacances dans le Constantinois, puis je le reportai à plus tard. Les événements l'ont rendu impossible. Aujourd'hui, j'ai 65 ans. Ai-je une chance de pouvoir un jour, retourner  La  Cheffia ?

 

*1) Maurice Faivre « les supplétifs dans la guerre d’Algérie Guerre d’Algérie N°4

*2) l’ouverture des archives en 1992 a permis d’éclairer l’affaire.  Le 26 mars 1962 la Force locale était en phase    de constitution. Les tirailleurs, s’ils avaient vocation à devenir Force locale ne l’étaient pas encore

*3) l’exécutif provisoire et la force locale ont duré cent jours, comme le retour au pouvoir de Napoléon 1er en          1815. Curieusement, aux mêmes dates du 20 mars à fin juin

*4) Peloton de formation, des élèves-officiers de réserve.

*5) Le chiffre 3 indiquait le rattachement au 3ème Corps d'Armée, celui de Constantine, suivi d’un

        numéro d'ordre.

*6) Français de souche européenne.

*7) Français de souche nord-africaine.

*8) Nous ne l’avions pas fait exprés mais nous nous aperçûmes après coup que nous avions presque

        tous  choisi des assistants kabyles.

*9) On nous demandait de faire en trois mois, ce qui n'avait pu l’être en cent trente ans

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